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=== Catherine Baker (2005): Why should we punish? === | === Catherine Baker (2005): Why should we punish? === | ||
*The book by [http://en.wikipedia.org/wiki/Catherine_Baker Catherine Baker] called "Pourquoi faudrait-il punir?" (2005) argues for the complete abolition of the prison system and can be found in the full French version [http://tahin-party.org/textes/baker.pdf here]. More than 100 pages. There is also a [http://en.wikipedia.org/wiki/Catherine_Baker little wikipedia entry] on her. | *The book by [http://en.wikipedia.org/wiki/Catherine_Baker Catherine Baker] called "Pourquoi faudrait-il punir?" (2005) argues for the complete abolition of the prison system and can be found in the full French version [http://tahin-party.org/textes/baker.pdf here]. More than 100 pages. There is also a [http://en.wikipedia.org/wiki/Catherine_Baker little wikipedia entry] on her. | ||
© 2004 | |||
pas de copyright pour le texte. | |||
couverture (marques de cordes sur de la peau) | |||
© 2004 | |||
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wldd@free.fr | |||
pas de copyright non plus. | |||
le photocopillage tue l’industrie du livre. | |||
le plus tôt sera le mieux. | |||
catbak int. déf. 11/03/04 22:04 Page 2 | |||
Catherine Baker | |||
POURQUOI FAUDRAIT-IL PUNIR ? | |||
Sur l’abolition du système pénal | |||
catbak int. déf. 11/03/04 22:04 Page 3 | |||
Le texte de la conférence | |||
L'abolition de la prison signifie-t-elle | |||
l'abolition du droit, de la justice et de toute société ? | |||
que j'avais écrit | |||
en 1985 et qui a beaucoup circulé sous le titre de | |||
Conférence | |||
d'Amsterdam | |||
a servi de point de départ à ce livre ; qu'on ne s'étonne | |||
pas d'y retrouver quelques phrases intégralement reprises ; sur | |||
certains sujets, je suis au regret de reconnaître qu'en vingt ans je | |||
n'ai pas beaucoup avancé. | |||
C. B. | |||
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du mal à un mal ? Platon, par la bouche de Socrate, dénonçait déjà | |||
dans le | |||
Criton | |||
l’inadéquation d’une telle réponse. On n’a pas | |||
beaucoup avancé depuis. | |||
J’entends bien que les victimes réclament la punition du | |||
coupable | |||
1 | |||
. On verra que les abolitionnistes insistent particulière- | |||
ment pour qu’on rende justice à la victime autant qu’à l’accusé. | |||
Aujourd’hui dans un procès, la victime craint d’être jugée. Crainte | |||
parfaitement légitime, car jugée elle l’est. Est-elle bonne dans son | |||
rôle ? Fait-elle la victime comme il faut ? Elle est la justification de | |||
la cruauté qu’on s’apprête à faire subir à l’accusé : le spectacle de | |||
sa souffrance doit être à la hauteur. | |||
Dans tous les films pour enfants et dans la plupart de ceux | |||
pour adultes, à la fin les méchants sont châtiés et le spectateur | |||
en est content. La punition procure une satisfaction certaine. | |||
C’est un peu moins vrai dans la littérature où la liberté de fouiller | |||
ce qui ne se voit pas a permis à de nombreux romanciers de se | |||
mettre et de nous mettre à la place de qui a commis la faute. | |||
Quelques cinéastes de génie y sont aussi parvenus. Seuls les plus | |||
grands créateurs nous permettent de comprendre le crime qui | |||
autrement nous échappe, comme il échappe très souvent aussi | |||
dans la réalité à la compréhension du criminel. | |||
2 | |||
Le châtiment s’ancre dans l’histoire la plus archaïque de l’hu- | |||
manité, celle des terreurs religieuses que les hommes ont traduites | |||
en dieux et déesses au cœur démoniaque. L’enfer chrétien n’a rien | |||
à envier à l’enfer hindou | |||
3 | |||
et l’affirmation d’un sentiment de | |||
culpabilité proprement judéo-chrétien n’est que l’aveu d’une | |||
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1 – Nous nous accordons cette licence, nous écrivons | |||
je | |||
chaque fois qu’avec | |||
une certaine familiarité, nous serions tentée de faire quelque aparté du | |||
genre « je pense, personnellement...». | |||
2 – Quand nous écrivons les mots « délinquant », « criminel », « voleur », etc., | |||
nous les employons toujours pour désigner des personnes qui se désignent | |||
comme telles. Ou bien nous précisons avec des adjectifs tels que « supposé ». | |||
3 – Les damnés y « sont bouillis, broyés, grillés, sciés en petits morceaux » | |||
écrit, par exemple, Séverine Auffret dans | |||
Aspects du Paradis | |||
, Arléa, 2001. | |||
catbak int. déf. 11/03/04 22:04 Page 8 | |||
inculture crasse. En Occident, la condamnation terrible de la faute | |||
lors d’un jugement de l’âme après la mort s’enracine dans le culte | |||
orphique, introduit en Grèce entre le | |||
VII | |||
e | |||
et le | |||
VI | |||
e | |||
siècle avant notre | |||
ère ; ses origines se perdent dans les traditions védiques du | |||
deuxième millénaire, et il est vraisemblable que l’idée de la faute | |||
nous poursuivant dans l’au-delà était déjà à l’époque bien | |||
ancienne. L’orphisme a beaucoup influencé les Pythagoriciens | |||
puis Platon qui écrit par exemple dans le | |||
Gorgias | |||
que les âmes | |||
doivent comparaître nues devant les juges pour éviter qu’ils ne | |||
soient trompés par les apparences. | |||
Sous tous les cieux, les humains scandalisés de voir l’éternelle | |||
injustice du monde, l’innocent maltraité par la vie, le joyeux scé- | |||
lérat prospérer et mourir tranquille, ont cherché à rétablir dans le | |||
séjour des ombres l’impossible équité. Mais l’au-delà est sans | |||
pitié. Des macérations épouvantables étaient censées apaiser les | |||
êtres suprêmes que ce soit chez les Sioux, en Indonésie musulmane | |||
ou dans les carmels français. Pas une religion pour sauver l’autre | |||
lorsqu’il est question des supplices réservés aux damnés. Chez | |||
les Scythes, les Aztèques, les Vikings, au fin fond de Bornéo ou | |||
du Malawi, à toutes les époques, sous toutes les latitudes, les | |||
dieux réclament vengeance. Nul besoin d’être coupable d’ailleurs | |||
pour attirer leur fureur. C’est assez d’être. Ainsi naît la tragédie. | |||
Tout châtiment s’inscrit dans cette volonté irrationnelle de se | |||
soumettre au tragique. À l’origine, le coupable est celui que les | |||
dieux ou le destin désignent comme tel indépendamment même | |||
de la faute. Œdipe fait un coupable idéal : il n’est pas dit pourquoi | |||
il n’avait pas le droit de coucher avec sa mère, pas dit non plus | |||
pourquoi tout le monde avait trouvé très bien qu’il tue l’insolent | |||
malotru qui lui barrait la route, mais que ce meurtre est devenu | |||
faute quelques années plus tard quand on apprend qu’il s’agissait | |||
de son père. On n’explique pas parce que le propre du tabou est | |||
d’être affirmé et non raisonné. Œdipe est condamné par ses fils à | |||
renoncer à son pouvoir et à rester enfermé dans le palais. | |||
Auparavant le roi déchu s’est crevé les yeux. On dit peut-être un | |||
peu vite que c’est pour se punir. Pour se punir, il eût fallu qu’il se | |||
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catbak int. déf. 11/03/04 22:04 Page 9 | |||
sentît coupable. Son geste n’est-il pas plutôt l’expression du | |||
comble de son désespoir face à l’injustice des dieux ? | |||
On doit punir. C’est un impératif. De quel ordre ? Quelques | |||
philosophes (pas autant qu’on pourrait le penser) ont essayé | |||
de justifier la punition. Le lecteur pressé ou agacé par les vul- | |||
garisations trop sommaires pourra s’abstenir de lire le premier | |||
chapitre. | |||
Après bien des détours, on en revient aujourd’hui à cette idée | |||
(si l’on peut dire) qu’il ne rime à rien de chercher à justifier la | |||
punition et qu’il « faut faire confiance à la tradition », quand ce | |||
n’est pas à l’instinct. | |||
Dans les | |||
Lettres à Lucilius | |||
, Sénèque écrit qu’« aucun homme | |||
raisonnable ne punit parce qu’une faute a été commise, mais | |||
pour qu’elle ne le soit plus ». Aimable ironie d’un homme aimable | |||
entre tous qui mieux que quiconque sait qu’il n’est pas question | |||
de raison dans le châtiment. C’est bien l’esprit de vengeance | |||
des juges (professionnels ou non) qu’il dénonce dans ses | |||
entretiens sur la colère. Si elle n’évite pas les fautes à venir, | |||
dit-il, la pun | |||
ition n’a aucun sens | |||
1 | |||
. Par la suite, des penseurs | |||
allemands se montreront offusqués d’une telle vision utilitariste. | |||
La punition ne doit servir à rien. Rien qu’à punir. Et on se l’est | |||
tenu pour dit. | |||
En cette époque où une génération a changé totalement de | |||
repères (et non pas volontairement, mais parce que les conditions | |||
économiques et sociales mises en place par la précédente les | |||
rendent caducs), les aînés déboussolés essaient d’imposer à tous, | |||
à défaut d’un dogme religieux qui pourrait, lui, susciter dissidences | |||
ou hérésies, un signe de ralliement résolument impossible à | |||
critiquer : la Loi. Ils s’y réfèrent sans cesse. Le châtiment en est le | |||
corollaire indispensable. Chaque fois que quelqu’un dit « La Loi | |||
est pour tout le monde » ou « On doit respecter la Loi du pays qui | |||
vous accueille » ou « La Loi rend libre » ou « C’est au père d’incarner | |||
l’image de la Loi », il convient de le reprendre et de lui faire dire | |||
10 | |||
1 – | |||
Lettres à Lucilius. De la colère. | |||
XIX | |||
-7. | |||
« la Loi donc la punition » ; c’est moins majestueux mais plus clair. | « la Loi donc la punition » ; c’est moins majestueux mais plus clair. | ||
« Le châtiment est à la loi ce que le sexe est au mariage. » | « Le châtiment est à la loi ce que le sexe est au mariage. » |